Histoire du Fer à Moulin
Le nom de l’Institut du Fer à Moulin (IFM) dérive de celui de la rue du Fer-à-Moulin le long de laquelle il est situé. L’IFM a reçu son nom officiellement en 2007 lors de sa création en tant que centre de recherche mixte de l’Inserm et de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC Paris 6), Unité 839 (U839) ou UMR-S 839, « unité de recherche mixte en santé 839 ». Depuis janvier 2017, l’UPMC a fusionné avec la faculté des lettres Paris 4 pour devenir Sorbonne Université. Le nom « Institut du Fer à Moulin » avait déjà été utilisé occasionnellement avant 2007 pour désigner les laboratoires Inserm situés dans le bâtiment du 17 rue du Fer à Moulin.
Historique en bref
Le bâtiment Inserm actuel a été construit au début des années 1970 (Figure 1) sur un terrain appartenant à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP). Sur ce terrain situé à l’emplacement du cimetière de Clamart, existe depuis le début du XIXème siècle un amphithéâtre d’anatomie devenu en 1970 l’Ecole de Chirurgie. L’origine du nom de la rue du Fer-à-Moulin remonte au moins du XVIème siècle et correspond à une pièce métallique permettant de fixer l’axe dans la meule tournante d’un moulin. C’est également symbole héraldique. Le site du Fer à Moulin est aussi le siège de l’Agence Générale des Équipements et Produits de Santé (AGEPS) et de l’Ecole de Chirurgie de l’AP-HP dont l’histoire est résumée plus bas.
La recherche au Fer à Moulin: le bâtiment Inserm et l’institut du Fer à Moulin1
1.Source : http://histoire.inserm.fr/les-lieux/institut-du-fer-a-moulin, completed and updated in 2014 and 2018
Le bâtiment Inserm date du début des années 1970. A la suite d’un accord entre l’AP-HP, propriétaire des lieux, et l’Inserm, il est décidé de construire un bâtiment mixte Assistance publique/Inserm, qui regroupera deux entités : l’une, de recherche au profit de l’Inserm, avec l’implantation de laboratoires ; l’autre, pour les besoins de l’AP-HP comprenant sa bibliothèque et le comité de l’internat.
Biologie, médecine expérimentale, hypertension artérielle et pathologie cardiovasculaire
La première unité de recherche Inserm installée sur le site du Fer à Moulin est l’U36 « Biologie animale et technique expérimentale » dirigée par Edouard Housset jusqu’en 1979. Deux autres unités s’installent dans le bâtiment Inserm : tout d’abord l’U47 « Biologie cellulaire et culture des tissus » dirigée par Henri Febvre jusqu’en 1977, puis l’U98 « Pharmacologie chimique » dirigée par Richard Rips de 1971 à 1985.
En 1980 Pierre Corvol succède à Edouard Housset à la direction de l’U36, dont l’intitulé devient « Pathologie vasculaire et endocrinologie rénale ». En 1990, cette unité se déplace au Collège de France, où Pierre Corvol est élu professeur titulaire de la chaire de Médecine expérimentale, puis deviendra administrateur. Pierre Corvol est internationalement reconnu pour ses travaux sur le système hormonal rénine-angiotensine-aldostérone, qui régule le métabolisme de l’eau et du sel et contrôle la pression artérielle. Au départ de Pierre Corvol, deux laboratoires ont poursuivi les recherches dans le domaine cardiovasculaire sous la direction de François Alhenc-Gelas et de François Cambien. François Alhenc-Gelas a dirigé l’U367 « Physiologie et pathologie expérimentale vasculaire » de 1993 à 2004. Il étudie les systèmes peptidiques vasomoteurs et de leurs effecteurs cellulaires ainsi que la physiopathologie du rein, en relation avec le diabète et l’hypertension. Il a rejoint l’Institut biomédical des Cordeliers à Paris, en 2005, pour y diriger l’U652 « Physiologie et pharmacologie vasculaire et rénale ». L’équipe de François Cambien, travaille sur l’épidémiologie génétique des maladies cardiovasculaires. Il rejoint en 1999 le site de la Pitié-Salpêtrière où il prend la direction de l’U525 « Génétique épidémiologique et moléculaire des pathologies cardiovasculaires ».
Du muscle au système nerveux
En 1975, l’unité mixte Inserm 153/CNRS « Biologie et pathologie neuromusculaires physiopathologie des myopathies » est créée et dirigée par Michel Fardeau, dont l’intitulé deviendra « Développement, pathologie, régénération du système neuromusculaire ». En 1996, Ketty Schwartz lui succède et l’unité se déplace à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où s’ouvrira bientôt l’Institut de Myologie. L’activité médicale et les recherches de Michel Fardeau ont été consacrées à la biologie et à la pathologie musculaire. On lui doit d’avoir montré l’importance des techniques de cytochimie et de microscopie électronique dans l’étude et le diagnostic des maladies musculaires acquises ou héréditaires. L’introduction des techniques de la biologie moléculaire lui permettra d’envisager, dès les années 1990, la thérapie génique par transfert de gènes, notamment dans la myopathie de Duchenne.
En 1984 André Sobel a rejoint l’U153 où il dirige une équipe intitulée « Régulation cellulaire et différenciation ». En 1996 il prend la direction de l’U440 « Signalisation et différenciation cellulaires dans les systèmes nerveux et musculaires ». Ses travaux portent sur les relais et l’intégration des signaux intracellulaires, l’amenant à la découverte des protéines de la famille de la stathmine, régulatrices des microtubules. L’unité qui comprend aussi les équipes de René-Marc Mège et de Marc Vigny, devient U706 « Neuro-signalisation moléculaire et cellulaire » de 2005 à 2006.
En 2000, Jean-Antoine Girault, venant de l’U114 dirigée par Jacques Glowinski au Collège de France, prend la direction d’une nouvelle unité, l’U536 « Transduction du signal et plasticité dans le système nerveux » de 2000 à 2006. Cette unité comprend également les équipes de Denis Hervé et Laurence Goutebroze et l’équipe Avenir de Thierry Galli qui rejoindra l’Institut Jacques Monod en 2006. Lors des travaux de rénovation permettant l’installation de l’U536 au Fer à Moulin, Jean-Antoine Girault et André Sobel et leurs collaborateurs, qui ont le même intérêt pour la signalisation intracellulaire, décident de partager un étage de plateaux techniques et d’organiser des réunions de laboratoire et des séminaires hebdomadaires communs, préfigurant un institut thématique.
L’Institut du Fer à Moulin
L’objectif de réunir toutes les activités de recherche du bâtiment Inserm autour de thèmes communs a pu être atteint en 2007 avec la disponibilité et la rénovation des locaux libérés par le départ de l’U367. Les équipes des unités de recherche du site (Sobel et Girault) et celles de l’U616 « Développement normal et pathologique du cerveau », dirigée par Patricia Gaspar, alors à la Pitié-Salpêtrière avec Luc Maroteaux et Christine Métin, ainsi que l’équipe Avenir de Jean-Christophe Poncer proposent la création d’un « centre de recherche » de l’Inserm et de l’université Pierre et Marie Curie, lors du premier appel à projet pour de telles structures en 2006. Cette demande aboutit à la création en 2007 de l’Institut du Fer à Moulin, UMR-S 839, dirigée par Jean-Antoine Girault et regroupant l’ensemble des activités de recherche du bâtiment. L’Institut du Fer à Moulin est dédié à l’étude du développement et de la plasticité du système nerveux. Il comprend les équipes de Jean-Antoine Girault, Patricia Gaspar, Luc Maroteaux, André Sobel, René-Marc Mège, Jean-Christophe Poncer et le groupe de recherche translationnelle de Marc Vigny et Jacques Hugon. L’IFM est rejoint successivement par les équipes ATIP/Avenir de Fiona Francis, de Matthias Groszer, puis celle de Manuel Mameli. En 2014, l’Institut du Fer à Moulin est recréé pour cinq ans, avec Jean-Antoine Girault comme directeur et Fiona Francis comme directrice-adjointe. En 2016 Manuel Mameli rejoint l’université de Lausanne et l’IFM accueille l’équipe ATIP/Avenir de Stéphane Nédélec qui s’intéresse aux cellules souches pour aborder le développement et la pathologie du système nerveux. En 2018 Gabrielle Girardeau démarre une nouvelle équipe ATIP/Avenir étudiant les bases physiologiques des liens entre les émotions et la mémoire.
Le site du Fer-à-Moulin
Du cimetière de Clamart à l’école de Chirurgie
En 1672, l’Hôtel-Dieu de Paris et l’hôpital de la Trinité achetèrent dans le faubourg Saint-Marcel une parcelle sur laquelle se trouvaient 3 maisons avec jardins et dépendances, afin d’ouvrir, après leur démolition, le cimetière de Clamart en raison de la fermeture du cimetière de la Trinité située rue Saint-Denis. Le nom de Clamart fut choisi en raison de la proximité de l’hôtel de Clamart qui était situé sur la partie Sud de la rue du Fer-à-Moulin. Il se trouvait à l’emplacement des anciens jardins de l’Hôtel de Clamart, propriété des seigneurs de Clamart qui avaient en outre fait élever une croix portant le nom de leur fief sur la place appelée aujourd’hui « Poliveau » 2. Au milieu du XVIIème siècle ce terrain devient le cimetière dit « de Clamart », qui reçoit les corps des malades décédés à l’Hôtel Dieu puis dans d’autres hôpitaux, et des condamnés à mort. A la fin du XVIIIème siècle s’y ajoutent les dépouilles de guillotinés de la Révolution. Les locaux de la faculté de médecine étant surchargés, s’y développent des amphithéâtres particuliers où viennent disséquer les étudiants. Ces amphithéâtres sont supprimés par arrêté du 3 décembre 1834 et remplacés par l’amphithéâtre d’Anatomie édifié à partir de décembre 1832, lors du conseil général des Hospices. Il est rattaché, en 1849, à l’Assistance publique. Il semble que la fréquentation de l’amphithéâtre d’Anatomie ait été très importante, puisqu’en 1939, près de 600 élèves s’y occupaient à des travaux anatomiques… Il s’y trouvait aussi des pièces anatomiques exposées dans un musée. En 1970 l’amphithéâtre d’Anatomie est devenu l’École de Chirurgie de l’AP-HP.
2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cimeti%C3%A8re_de_Clamart
De l’hôtel Scipion et de l’Apothicairerie Générale des Hospices Civils de Paris à l’AGEPS
Le site du Fer-à-Moulin est aussi le siège de l’AGEPS. Son histoire remonte à 1795, date de création de l’Apothicairerie Générale des Hospices Civils de Paris dont les missions sont la production, le stockage et la distribution des médicaments aux hôpitaux de la région parisienne. En 1796, l’Apothicairerie prend le nom de Pharmacie Centrale des Hôpitaux qui deviendra en 1996 la PCH-AGAM: Pharmacie Centrale des Hôpitaux – Agence Générale des Approvisionnements Médicaux. En 2001 la PCH-AGAM devient une structure médicale et prend le nom d’AGEPS: Agence Générale des Équipements et Produits de Santé. Non loin de là est situé l’hôtel Scipion, construit à la fin du XVIème siècle transformé en hospice en 1612, puis affecté à l’Hôpital-Général3 en 1656 pour créer une maison d’accouchement et d’allaitement sous le nom d’hôpital Sainte-Marthe4 . Situé près de la Seine, ce qui favorisait les approvisionnements, après la Révolution française, il devient la boulangerie des hôpitaux de Paris. Félix et Louis Lazare écrivent5 « A cette époque les marchandises destinées à l’Hôpital-Général, arrivant ordinairement par eau, étaient déchargées sur un port situé près de la Gare. Pour les transporter à la maison Scipion, qui servait d’entrepôt à cet hôpital, on était obligé de prendre par la barrière Saint-Victor et de remonter ensuite plusieurs rues tortueuses du faubourg Saint-Marcel. » L’hôtel Scipion gardera cette fonction jusqu’en 1974.
3. Etablissement laïc sans vocation médicale mais lieu d’enfermement des pauvres. Voulu par des dévots laïcs (la Compagnie du Saint-Sacrement) sous le règne de Louis XIII, il entendait résoudre le problème de la mendicité et des cours des miracles. A Paris, il fut créé dans les établissements de la Salpêtrière, la Pitié, et Bicêtre, et destiné à accueillir selon les termes de l’Édit royal de 1656 les pauvres « de tous sexes, lieux et âges, de quelques qualité et naissance, et en quelque état qu’ils puissent être, valides ou invalides, malades ou convalescents, curables ou incurables ».
4. Jean Lebeuf et Hippolyte Cocheris, Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris [archive], éditions A. Durand, 1864, vol.2, pp. 27-29. Cité dans l’article Wikipedia sur l’hôtel Scipion.
5. « Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris » de Félix et Louis Lazare (p. 349-350, 2ème édition, 1855).
La rue du Fer à Moulin
D’où vient le nom de la rue du Fer à Moulin ? On le trouve mentionné sur des cartes de Paris depuis le XVIème siècle. Une carte de Truschet et Hoyau en 1550 mentionne la rue du Fer de Moulin à son emplacement actuel (Figure 2). Le cimetière dit de Clamart ayant été créé au mileu du XVIIème siècle, sur les cartes de Gomboust (1652) et de Nicolas de Fer (1676), la partie de la rue du Fer à Moulin qui longe le cimetière est alors nommée rue de la Muette. On trouve aussi à la même époque des cartes avec le nom de rue du Fer à Cheval (Boisseau, 1648, Janssonius, 1657)… Ce qui suggère quelques incertitudes à cette époque. De même plus tard, le « Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris » de Félix et Louis Lazare (op. cit.), émet une opinion qui est en complète contradiction avec les cartes citées plus haut et celles de Roussel (1730) et de Delagrive (1737 et 1740). Voici ce que dit ce texte : « Cette rue, qui faisait partie du bourg Saint-Marcel, fut construite au douzième siècle. Elle porta quelque temps après le nom de rue au Comte-de-Boulogne, en raison des seigneurs de Boulogne qui possédaient un hôtel en cet endroit. Selon Sauval, elle a pris aussi la dénomination de rue de Richebourg, qu’elle a communiquée à un petit pont sur la Bièvre, nommé depuis pont aux Tripes. En 1713, cette rue, divisée en deux parties, avait deux dénominations : la première partie, comprise entre la rue du Jardin-du-Roi (aujourd’hui rue Geoffroy Saint-Hilaire) et celle du Pont-aux-Biches6, se nommait rue des Morts parce qu’elle longeait le cimetière de Clamart ; la deuxième partie s’appelait rue Permoulin ; nous croyons que ce nom lui venait d’un propriétaire. En 1870, le nom de rue des Morts fut changé en celui de rue Muette ou de la Muette, et la dénomination de Permoulin fut remplacée par celle de Fer-à-Moulin. »
6. Actuellement rue de la Clef.
Qu’est-ce qu’un « fer à moulin » ?
Dans un moulin les grains de céréale sont moulus entre deux meules circulaires en pierre, la meule gisante en dessous et la meule tournante au-dessus. La force motrice qu’elle vienne du vent ou de l’eau, est transmise à la meule tournante par un axe généralement en bois. Un fer à moulin ou fer de moulin, encore appelé anille, est une pièce métallique placée dans le trou central, appelé œillard, de la meule tournante (Figure 3). Ce « fer à moulin » est incrusté et scellé. Sa fonction primordiale est de transmettre la rotation de l’axe à la meule tournante. Il est facile d’enlever l’axe ou de prévoir un espace entre l’anille et la meule de façon à y verser le grain. Cette invention est ancienne puisqu’elle a été rapportée chez les Gaulois par Vitruve, architecte romain (1er siècle avant notre ère) qui accompagne les légions en Gaule et en Espagne, dans son traité d’architecture « De architectura libri decem » : » … qu’une roue entraîne un axe en fer en forme de hache, pour actionner la meule de dessus… » 7.
L’anille ou fer de moulin est aussi utilisé dans les armoiries. En héraldique, c’était l’emblème attribué seulement aux seigneurs haut-justiciers. Il n’appartenait qu’à ceux-ci d’avoir droit de moulin banal et d’obliger tous les vassaux à y venir faire moudre, avec défense à tous les meuniers circonvoisins de venir empiéter sur leurs privilèges. D’après le chroniqueur liégeois, Jacques de Hemricourt « les fers de moulin étaient jadis les marques les plus propres et les plus assurées pour indiquer la condition illustre de ceux qui possédaient des moulins banaux ».
Pourquoi la rue du Fer-à-moulin s’appelle-t-elle ainsi ? Il est difficile de connaitre l’origine du nom de la rue au XVIème siècle ou avant… Certains ont proposé qu’il s’y trouvait un estaminet dont l’enseigne était une anille ou fer de moulin…
7. Histoire d’anilles par Alain Mazeau http://www.guyenne.fr/Association/Anille/Anille.htm
Sources : http://moulindelamousquere.pagesperso-orange.fr/pages/tournant.htm et https://fr.wikipedia.org/wiki/Meule_%C3%A0_grains